fragments de février

S’il est écrit que je dois mourir
Il vous appartiendra alors de vivre
Pour raconter mon histoire
Pour vendre ces choses qui m’appartiennent
Et acheter une toile et des ficelles
Faites en sorte qu’elle soit bien blanche
Avec une longue traîne
Afin qu’un enfant quelque part à Gaza
Fixant le paradis dans les yeux
Dans l’attente de son père
Parti subitement
Sans avoir fait d’adieux
À personne
Pas même à sa chair
Pas même à son âme
Pour qu’un enfant quelque part à Gaza
Puisse voir ce cerf-volant
Mon cerf-volant à moi
Que vous aurez façonné
Qui volera là-haut
Bien haut
Et que l’enfant puisse un instant penser
Qu’il s’agit là d’un ange
Revenu lui apporter de l’amour

S‘il était écrit que je dois mourir
Alors que ma mort apporte l’espoir
Que ma mort devienne une histoire

– Refaat Alareer (traduction Nada Yafi)
Palestinian school girls smile to the camera as they come back home in their school bus on September 22, 2016 in Gaza City – Mohammed Abed 

Les heures de ces derniers jours semblent avoir été façonnées avec du plomb.

Impossible de retrouver ce fichu cahier, l’impression qu’il nous manque de quoi poursuivre la journée.

Un éclaircissement qui me décharge de mes ruminations.

Nadège Erika à la bibliothèque François Villon. L’échange avec les bibliothécaires était aussi riche que naturel. Emouvant. Nous nous rencontrons « en vrai ». C’est toi l’enfant du canal.

The Sleeping Beauty Wolf – Leon Bakst (1921)

Un enchaînement violent d’évènements ridicules, pénibles, douloureux. La violence d’un commissariat et la nécessité d’en parler à tout celleux qui m’entourent.

Je rentre dans un supermarché, la nuit est tombée, il y a énormément de monde, j’ai à peine le temps de croire que c’est à cause de la pluie lorsque je remarque une dizaine de militaires qui envahissent l’espace, ils ont leurs armes, leurs gros sacs, leurs équipements de camouflage. Ils font la queue. Ils imposent une forme de silence. Et le type qui fait la manche à l’entrée félicite les militaires moi j’ai beaucoup de respect pour vous parce que c’est vous qui nous protégez quand il y a des attentats / oui c’est vrai / vous êtes de la légion ? / non…(inaudible) / ah et c’est quoi la différence ? / (inaudible) c’est plus confortable quoi / et moi bon j’ai un casier mais j’ai pas violé j’ai pas tué je pourrai m’engager ? / ah oui si c’est pas trop grave. Je m’approche, le militaire devant moi dit bon courage à la caissière bon courage à vous aussi, répond la caissière.

Pourquoi t’as les cheveux comme ça t’es belle.

Une extrême violence entre elleux, ne pas savoir comment être, leur parler, nos corps et nos mots sont en miroir, c’est terrible, je cherche de quoi le casser, ce miroir, mais je n’ai pas le temps. Il faut avancer, on fonce, on tombe. Et demain ? On recommence.

Franchement j’ai honte, c’est la honte ce pays / Qu’est-ce que tu as dis ? / J’ai dis que j’avais honte de mon pays / Moi aussi – constat partagé avec M, notre dégout, notre colère, notre pessimisme en envisageant les générations futures, je croise le regard d’une fille de onze-douze ans à la table voisine et c’est ce qui me fait taire.

Swaying in the wind – Museo Textil de Oaxaca

(…) le sentiment de connaitre des façades plutôt que des personnes. Ces façades m’illusionnent quelques temps en me laissant voir de près, ou même toucher l’une de leur face et iels gardent le reste – tour à tour plus vrai, plus fort, plus sombre – bien caché, ne se révèle que dans les moments de crise, nous laissant sans voix, sans possibilité d’action (…) et cela peut amener à briser un lien (…) ou au moins à le fragiliser, l’abimer.

Young couple, Waterhen River, Saskatchewan (1931)

Je leur raconte Harriet Tubman, Malcom X, Martin Luther King, Rosa Parks, Angela Davis, me surprend à dire ce sont des vraies personnes, faut dire que leurs yeux s’écarquillent tant, leurs sourires sont immenses, iels sont émerveillé·es, je leur propose de créer un livre sur ces figures importantes, allez.

Tracy Chapman, artiste la plus écoutée du mois de février

Peur de parfois écouter les gens un peu trop en surface. Peur de surestimer ma capacité d’écoute. C’est quoi, vraiment, écouter ?

1 commentaire

  1. écouter ? Ce qui permet à l’autre d’aller à la rencontre de l’insu qu’il cherche à dire ? C’en est une d’écoute. Mais pas la seule. Très bousculeurs ces fragments de Février. Bien qu’ils existent.

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